889 millions d’euros. C’est ce qu’ont rapporté les radars automatiques à l’État en 2024, soit 76 millions de moins qu’en 2023. Une baisse de 8 % qui pourrait ressembler à une victoire pour les conducteurs lassés de se faire flasher. Pourtant, derrière ce chiffre se cache une réalité bien moins réjouissante.
Cette diminution n’a rien à voir avec une prudence accrue au volant. Elle s’explique par un phénomène inquiétant : près d’un radar sur cinq était hors service en 2024. Vandalisés, sciés, carbonisés lors des mobilisations sociales, notamment agricoles, ces appareils ont vu leur taux de disponibilité chuter à 81 %, contre 88 % l’année précédente.
Si ça flashe moins, c’est tout simplement parce que ça fonctionne moins. Et les conséquences dépassent largement le simple plaisir d’échapper à une amende.
Des dégradations massives qui pèsent sur les finances publiques
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sur les 4 068 radars déployés sur le territoire, plusieurs centaines sont restés inopérants pendant des mois. Bâchés, détruits ou endommagés, ils ont généré un manque à gagner substantiel pour l’État.
Le coût de ces actes de vandalisme est vertigineux. Remplacer une simple vitre coûte 500 euros, mais la reconstruction complète d’un radar détruit peut atteindre 200 000 euros. L’ironie du système ? Ces réparations sont financées en grande partie par les amendes que les radars génèrent eux-mêmes.
Détruire un radar n’est pas un acte anodin : la loi prévoit jusqu’à 75 000 euros d’amende et cinq ans de prison. Ces peines peuvent même grimper à 100 000 euros et sept ans si l’acte est commis en groupe ou par une personne masquée.
Où va vraiment l’argent des radars ?
Contrairement à une idée reçue tenace, les recettes des radars ne tombent pas dans un gouffre financier obscur. En 2024, 76,6 % de ces sommes ont été réinvesties dans la lutte contre l’insécurité routière et ses conséquences.
La Délégation à la Sécurité Routière a reçu 340 millions d’euros pour maintenir les systèmes automatiques, gérer les retraits de points et financer les campagnes de prévention. L’Agence de financement des infrastructures de transport a touché 122 millions pour entretenir les routes et sécuriser les grands axes.
Les collectivités territoriales ont bénéficié de 194 millions d’euros destinés à moderniser leurs voiries et développer les transports en commun. Enfin, 26 millions ont été alloués au Fonds pour la modernisation en santé, spécifiquement pour la prise en charge des blessés de la route.
Seuls 208 millions d’euros, soit environ 23 % des recettes, sont allés au désendettement de l’État. Le reste finance directement le système qui nous permet de circuler quotidiennement.
Un modèle de financement fragile et paradoxal
Ce système révèle un paradoxe troublant : l’État dépense 4,8 milliards d’euros par an pour la sécurité routière, soit plus de cinq fois les recettes des radars. Ces amendes ne couvrent qu’une fraction de l’effort global nécessaire au maintien d’un réseau routier sûr.
La question devient alors vertigineuse : que se passerait-il si les Français roulaient tous parfaitement bien ? Si plus personne ne se faisait flasher, comment compenser la perte de près d’un milliard d’euros investis dans les infrastructures et la prévention ?
Ce modèle de financement basé sur les infractions montre ses limites. Il crée une dépendance malsaine aux comportements à risque pour financer leur propre prévention.
La riposte technologique se prépare
Face à cette baisse de recettes, l’État ne reste pas inactif. Une nouvelle génération de radars « intelligents » est déjà en préparation. Dopés à l’intelligence artificielle, ces appareils ne se contenteront plus de mesurer la vitesse.
Ils pourront détecter l’usage du téléphone au volant, le non-port de la ceinture ou le non-respect des distances de sécurité. Un arsenal technologique qui annonce une surveillance routière bien plus poussée dans les années à venir.
Avec 2 708 radars fixes et 110 voitures radars parcourant les routes, la France reste pourtant moins équipée que ses voisins. L’Allemagne et l’Italie disposent de près de 14 000 radars chacune.
Le vrai coût de l’insécurité routière
Au-delà du débat sur les « pompes à fric », les chiffres de l’accidentalité remettent les priorités en perspective. La route a fait 3 193 morts et 236 000 blessés en 2024. Le coût annuel de l’insécurité routière s’élève à 104 milliards d’euros, soit 3,6 % du PIB.
Face à ces données, les 889 millions d’euros de recettes apparaissent comme une goutte d’eau. Les 11,7 millions de points retirés l’an dernier témoignent de millions d’infractions qui auraient pu tourner au drame.
La baisse des recettes des radars en 2024 n’est ni une victoire ni une fatalité. Elle révèle surtout la fragilité d’un système qui finance la sécurité routière en comptant sur les infractions. Entre radars vandalisés et manque à gagner, cette situation interroge notre modèle de prévention routière. Car au final, rouler moins vite ne devrait pas coûter moins cher à la société, mais lui rapporter plus : en vies sauvées et en infrastructures préservées. La vraie question n’est pas de savoir si les radars rapportent assez, mais comment construire un financement durable pour des routes plus sûres, indépendamment du comportement des conducteurs.
Bilan des radars automatiques en 2024
| Catégorie | Chiffres / Informations clés | Évolution / Commentaire |
| 💶 Recettes totales 2024 | 889 millions € | -8 % vs 2023 (965 M€) |
| 📉 Perte pour l’État | –76 millions € | Due à la dégradation de nombreux radars |
| ⚙️ Taux de disponibilité du parc | 81 % | En baisse (88 % en 2023) |
| 🚗 Nombre total de radars | 4 068 | Dont 2 708 radars fixes « vitesse » |
| 🛻 Répartition radars fixes | 14 % autoroutes / 80 % routes / 6 % voies communales | Majorité sur routes nationales et départementales |
| 🚘 Voitures radars | 110 (dont 60 opérées par des sociétés privées) | Présentes dans 55 départements |
| 🔄 Radars embarqués débarquables | 100 | Utilisés par les forces de l’ordre |
| ⚠️ Contraventions émises | 14,2 millions | En baisse (16,8 M en 2023) |
| 🏎️ Excès de vitesse | 13,9 millions d’avis | Principale infraction détectée |
| 🚦 Feux rouges non respectés | 273 692 infractions | 1,9 % du total |
| 💸 Amendes forfaitaires | 658 millions € | Soit 74 % du total |
| 💸 Amendes majorées | 231 millions € | Soit 26 % du total |
| 💰 Répartition des recettes 2024 | ||
| → Délégation à la Sécurité Routière (DSR) | 340 millions € (38,3 %) | Entretien des radars, gestion des points, prévention |
| → Agence de financement des infrastructures (AFITF) | 122 millions € (13,7 %) | Entretien et sécurité des routes |
| → Collectivités territoriales | 194 millions € (21,8 %) | Voirie, transports, stationnement |
| → Fonds modernisation santé (FMIS) | 26 millions € (2,9 %) | Prise en charge des blessés de la route |
| → Désendettement de l’État | 208 millions € (23,4 %) | Part non réaffectée directement à la sécurité |
| 🧾 Part réinvestie dans la sécurité / santé | 76,6 % des recettes | Majoritairement réutilisées pour la sécurité routière |
| 🧍♂️ Points retirés en 2024 | 11,7 millions | Baisse corrélée au nombre de PV émis |
| 💥 Tués sur les routes en 2024 | 3 193 décès | - (référence sécurité routière) |
| 🏥 Blessés sur les routes en 2024 | 236 000 blessés | Coût économique estimé à 104 milliards € (3,6 % du PIB) |
| 🛠️ Coût remplacement d’un radar détruit | 50 000 à 200 000 € / unité | Vitre cassée : 500 € |
| ⚖️ Peine destruction radar | Jusqu’à 75 000 € d’amende et 5 ans de prison | 100 000 € et 7 ans si en groupe ou masqué |
| 📡 Radars IA nouvelle génération | En déploiement | Détection téléphone, ceinture, distances, etc. |
| 💰 Dépense globale de l’État pour la sécurité routière | 4,8 milliards € / an | Les amendes couvrent <20 % du coût total |




