Près d’un an après son départ fracassant de Stellantis, Carlos Tavares revient sous les projecteurs. L’occasion ? La promotion de son livre Un pilote dans la tempête. Mais derrière l’exercice promotionnel se cache une charge explosive contre ses anciens associés et une vision inquiétante de l’avenir automobile.
L’ancien patron du géant italo-franco-américain ne mâche pas ses mots. Entre règlements de comptes et prophéties industrielles, il dresse un tableau sans concession d’un secteur en pleine mutation.
L’électrique, pomme de discorde chez Stellantis
Le divorce entre Carlos Tavares et Stellantis trouve ses racines dans une bataille stratégique autour de l’électrification. Interrogé par Le Point, l’intéressé affirme avoir défendu mordicus un virage électrique assumé, malgré un marché poussif.
« Pendant que les constructeurs pleurnicheurs freinaient en expliquant qu’ils n’y arriveraient pas », lui maintenait le cap. Tavares fut d’ailleurs l’un des rares dirigeants à refuser tout report de l’interdiction des moteurs thermiques en Europe.
Sa stratégie chez Stellantis ? Multiplier les lancements électriques et placer ces modèles au cœur de la communication. Une vision que le comité de direction n’a manifestement pas partagée jusqu’au bout.
Pourtant, les faits viennent nuancer ce discours volontariste. L’investissement de Stellantis dans l’électrique s’est révélé largement insuffisant. Les modèles lancés reposent sur des technologies déjà dépassées, sans même bénéficier de plateformes dédiées.
Le Peugeot 3008 illustre parfaitement ce paradoxe. La deuxième génération était une référence dans sa catégorie. Sa remplaçante, centrée sur la version électrique E-3008, déçoit. Les attentes du segment ne sont pas satisfaites, et les versions thermiques pâtissent d’une plateforme multi-énergies imposant de lourds compromis.
Quand la communication se focalise exclusivement sur l’électrique, même les ventes des motorisations traditionnelles en souffrent. Un effet collatéral dont Tavares semble minimiser la portée.
Stellantis à la croisée des chemins
L’ancien dirigeant s’interroge désormais sur la stratégie de son ex-employeur. Dans Les Échos, il questionne ouvertement : « Aujourd’hui, c’est quoi la stratégie de Stellantis ? »
Le plan du groupe, initialement prévu pour début 2026, a été repoussé d’un trimestre. Pour Tavares, ce délai sert surtout à « défaire ce qu’il avait fait ». Un acte d’accusation à peine voilé.
Le groupe devra pourtant tracer sa route dans un environnement hostile, marqué par l’offensive redoutable des constructeurs chinois.
Tesla menacée par l’efficacité chinoise
C’est sur ce terrain que Carlos Tavares lâche sa bombe. Évoquant la montée en puissance de BYD et consorts, il ose une prédiction fracassante : « Je ne suis pas sûr que dans dix ans, Tesla existe encore. »
Sa justification ? « Les véhicules chinois sont maintenant à un bon niveau de qualité et ils sont imbattables sur les prix. » Face à cette déferlante, même le pionnier californien d’Elon Musk vacillerait.
Tesla, groupe innovant mais potentiellement « battu par l’efficacité de BYD », selon les mots de Tavares. Une analyse qui fait froid dans le dos pour l’industrie occidentale.
Stellantis, premier concerné par le déclin annoncé ?
L’ironie n’échappe pourtant à personne. Si Tesla peut trembler face aux Chinois, Stellantis paraît encore plus vulnérable. Certaines de ses marques semblent presque abandonnées, leur avenir incertain.
La perte d’un blason semble même plus probable du côté de Stellantis que chez Tesla. Carlos Tavares prédit peut-être l’avenir de l’industrie, mais évite soigneusement de pointer les failles béantes de son propre héritage.
Cette sortie médiatique de Carlos Tavares révèle une industrie automobile en proie aux doutes. Entre transition électrique mal maîtrisée, concurrence chinoise dévastatrice et stratégies floues, les géants occidentaux tangent dangereusement.
L’ancien patron de Stellantis se présente en prophète lucide, soucieux de la planète et du climat qu’il observe depuis son Portugal. Mais ses prédictions sur Tesla masquent mal les erreurs stratégiques commises sous sa direction.
Dans dix ans, Tesla aura-t-elle disparu ? BYD régnera-t-il en maître ? Et surtout, Stellantis sera-t-il encore debout ? Les réponses se dessinent déjà dans les choix d’aujourd’hui. Et pour l’instant, personne ne semble véritablement maîtriser la tempête annoncée.




