Dans l’univers impitoyable de la technologie automobile, certains chiffres marquent les esprits. 16,5 milliards de dollars : voilà le montant stratosphérique que Tesla vient d’investir dans un partenariat avec Samsung qui pourrait bien redéfinir l’avenir de la conduite autonome.
Mais derrière cette annonce spectaculaire se cache une question cruciale : Tesla va-t-elle enfin tenir ses promesses vieilles de près d’une décennie ?
L’annonce d’Elon Musk sur X ne laisse aucun doute sur l’importance stratégique de cet accord : « Samsung’s giant new Texas fab will be dedicated to making Tesla’s next-generation AI6 chip ». Ce contrat, qui s’étend jusqu’en 2033, représente bien plus qu’un simple partenariat commercial. Il s’agit d’une véritable alliance technologique destinée à produire la prochaine génération de puces d’intelligence artificielle embarquée, baptisée AI6.
Cette puce utilisera un processus de fabrication en 2 nanomètres et sera déployée non seulement dans les véhicules Tesla mais également dans les robots Optimus. La production débutera dès 2026 dans l’usine Samsung du Texas, spécialement dédiée à ce projet ambitieux.
Pour Samsung, ce contrat tombe à point nommé. Le géant sud-coréen traverse une période difficile avec une chute de 56% de son bénéfice d’exploitation due aux restrictions d’exportation vers la Chine imposées par les États-Unis. Ce partenariat avec Tesla lui offre une bouée de sauvetage et la possibilité de rivaliser avec ses concurrents directs, SK Hynix et TSMC, sur le marché hautement concurrentiel des puces d’intelligence artificielle haut de gamme.
L’obsession Tesla : dix ans de promesses sur la conduite autonome
Pour comprendre l’enjeu de ce partenariat, il faut revenir sur l’une des obsessions les plus persistantes d’Elon Musk : la promesse d’une voiture entièrement autonome. Depuis 2016, Tesla affirme que tous ses véhicules produits seraient capables de « Full Self-Driving » grâce à de futures mises à jour logicielles.
L’histoire des générations de puces Tesla ressemble à un feuilleton technologique sans fin. Tout a commencé avec le hardware HW2, présenté comme révolutionnaire, puis HW3 en 2019, et plus récemment HW4 en 2023. Chaque nouvelle génération était censée effacer les limitations de la précédente et enfin débloquer la conduite autonome intégrale.
Mais la réalité s’est révélée bien plus complexe que les annonces marketing. Tesla a fini par admettre que HW3 pourrait ne pas supporter la conduite entièrement autonome, malgré des années de promesses contraires. Aujourd’hui, même avec HW4, les véhicules Tesla ne dépassent pas le niveau 2 de conduite assistée, qui nécessite toujours l’attention constante du conducteur.
Le casse-tête des anciens propriétaires
Cette course technologique perpétuelle pose un problème majeur : que faire des centaines de milliers de clients qui ont acheté l’option Full Self-Driving, parfois jusqu’à 15 000 dollars, sur des véhicules équipés d’anciennes générations de hardware ?
La situation est particulièrement épineuse pour les propriétaires de véhicules HW3. Longtemps, Tesla a garanti que la migration vers le Full Self-Driving serait gratuite pour tous ceux ayant acheté le logiciel. Dans les faits, de nombreux clients ont dû débourser entre 1 000 et 1 500 dollars supplémentaires pour remplacer leur ordinateur de bord, quand d’autres ont préféré saisir la justice ou obtenir des remboursements partiels.
Lors de la dernière conférence aux investisseurs, le directeur financier Vaibhav Taneja a d’ailleurs admis que la priorité était désormais de faire fonctionner la conduite autonome « non supervisée » sur HW4, reléguant de facto les propriétaires de HW3 à un avenir incertain.
Cette situation illustre parfaitement le dilemme de Tesla : comment concilier l’innovation technologique rapide avec les engagements pris envers ses clients ? Chaque nouvelle génération de hardware rend obsolète la précédente, créant une spirale d’upgrades permanents pour des fonctionnalités qui restent, pour l’instant, largement théoriques.
L’AI6 : la solution miracle ?
Avec l’AI6, Tesla mise tout sur cette nouvelle génération de puces pour enfin concrétiser ses ambitions. Ce contrat de 16,5 milliards de dollars témoigne de la confiance de Tesla dans la capacité de Samsung à produire des puces suffisamment fiables pour un constructeur automobile majeur.
Mais une question demeure : cette sixième génération de hardware sera-t-elle enfin celle qui permettra la conduite autonome promise depuis près d’une décennie ? Ou s’agira-t-il d’une nouvelle étape dans cette course technologique sans fin, repoussant encore une fois l’échéance pour les propriétaires actuels ?
Elon Musk a d’ores et déjà laissé entendre que la valeur finale du contrat pourrait dépasser largement les 16,5 milliards de dollars annoncés, suggérant que ce partenariat pourrait s’étendre bien au-delà des prévisions initiales.
Un enjeu qui dépasse l’automobile
Au-delà de la conduite autonome, ce partenariat Tesla-Samsung révèle les enjeux géopolitiques et économiques de l’intelligence artificielle. En produisant ses puces au Texas plutôt qu’en Asie, Tesla s’inscrit dans la stratégie américaine de relocalisation des chaînes d’approvisionnement critiques.
Pour l’industrie automobile dans son ensemble, ce contrat marque également une étape importante dans la course à l’intelligence artificielle embarquée. Les constructeurs traditionnels observent avec attention cette alliance, conscients que l’avenir de l’automobile se joue désormais autant dans les laboratoires de puces que sur les chaînes d’assemblage.
✅ À retenir : Tesla vient de signer un contrat de 16,5 milliards de dollars avec Samsung pour produire sa prochaine génération de puces d’intelligence artificielle, l’AI6, dès 2026. Cette alliance stratégique vise enfin à concrétiser la promesse de conduite autonome intégrale, formulée depuis 2016.
Cependant, l’historique des générations précédentes (HW2, HW3, HW4) qui n’ont jamais tenu leurs promesses soulève des interrogations légitimes. Les propriétaires de véhicules équipés d’anciennes générations de hardware se retrouvent dans l’incertitude, certains ayant déjà dû payer des upgrades coûteux pour des fonctionnalités toujours inexistantes. Ce partenariat, bien qu’ambitieux, s’inscrit dans une longue série de promesses technologiques qui restent à concrétiser.





